Dans cet article, nous vous expliquons comment fonctionne un compte bancaire sous curatelle renforcée, quelles sont les démarches à suivre, les droits du majeur concerné, ainsi que les missions du curateur dans la gestion quotidienne.
Sommaire
ToggleCuratelle renforcée : définitions et conditions d’application
La curatelle renforcée constitue une mesure de protection destinée aux personnes vulnérables qui ont besoin d’une assistance étendue, notamment pour gérer leur patrimoine et leurs ressources financières. Elle est particulièrement encadrée par la loi, afin d’assurer à la fois la sécurité des fonds et le respect des droits de la personne protégée.
Autrefois appelée « curatelle 512 » en référence à l’ancien article 512 du Code civil, c’est aujourd’hui la forme de curatelle la plus courante. Elle permet de protéger efficacement les personnes majeures, qui, en raison de l’altération de leurs facultés mentales ou physiques ne peuvent plus gérer seules leurs affaires, tout en leur laissant une certaine autonomie pour les actes simples de la vie civile.(régie par l’article 472 du Code civil)
Concrètement, le curateur perçoit directement les revenus du majeur protégé sur un compte bancaire ouvert à son nom, et prend en charge le règlement de ses dépenses courantes (logement, factures, alimentation, etc.).
La gestion du compte bancaire sous curatelle renforcée est donc entièrement assurée par le curateur, sous le contrôle du juge des tutelles. Cette délégation permet d’assurer une gestion rigoureuse des ressources de la personne protégée, tout en évitant les dérives ou les négligences.
Le curateur peut être un membre de la famille (parent, enfant majeur, conjoint), ou un professionnel désigné par le juge, comme un mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Dans tous les cas, il agit dans l’intérêt exclusif du majeur protégé, et doit veiller à la bonne utilisation des fonds, au paiement des dépenses indispensables, et à la préservation du patrimoine.
Impact de la curatelle renforcée sur les comptes bancaires
La curatelle renforcée entraîne une organisation spécifique de la gestion bancaire du majeur protégé. En effet, lorsqu’une personne est placée sous curatelle renforcée, la gestion de ses finances personnelles ne relève plus de sa seule initiative. Dans ce cadre, toutes les opérations financières doivent transiter par un compte bancaire ouvert à son nom, dont la gestion est assurée exclusivement par le curateur.
Une gestion centralisée par le curateur
Le curateur prend en charge l’ensemble de la gestion bancaire du majeur : émission de chèques, demande de carte de retrait, voire de carte bancaire (sur autorisation du juge des tutelles). Toutes les opérations de paiement, d’encaissement et de gestion patrimoniale sont réalisées à partir du compte bancaire sous curatelle renforcée, garantissant la traçabilité et la sécurisation des fonds.
Les revenus, produits financiers, plus-values ou intérêts générés par les avoirs du majeur lui appartiennent en totalité. Ils sont versés sur ce compte dédié, et aucune confusion de patrimoine ne doit être opérée : cela signifie que l’argent du majeur protégé ne doit jamais être mélangé avec celui de la personne qui gère ses affaires. Chacun doit avoir ses propres comptes, afin d’éviter toute ambiguïté sur la propriété des fonds et de garantir une gestion transparente.
Le compte de gestion annuel
Chaque année, le curateur est tenu d’établir un compte rendu de gestion annuel, retraçant les mouvements financiers opérés sur le compte bancaire du majeur protégé. Ce document, destiné au juge des tutelles, détaille les recettes (salaires, pensions, allocations…) et les dépenses (factures, charges, frais divers), et indique le solde du ou des comptes détenus. Il doit être accompagné de toutes les pièces justificatives : relevés bancaires, factures, avis d’imposition, etc. Ce compte est contrôlé par le juge des tutelles.
L’obligation d’un compte bancaire personnel
Lorsque le majeur protégé ne dispose pas encore de compte bancaire à son nom, le curateur a l’obligation légale d’en ouvrir un. En revanche, s’il existe déjà un compte ou un livret au nom du majeur, l’article 427 du Code civil interdit de les modifier ou d’en ouvrir de nouveaux, sauf décision contraire du juge ou du conseil de famille, justifiée par l’intérêt du protégé (par exemple, simplification de gestion ou réduction des frais bancaires).
Dans ce cas, un nouveau compte bancaire peut être ouvert exclusivement à des fins de gestion par le curateur, tandis que le compte existant peut rester partiellement accessible au majeur, notamment via une carte de retrait, pour préserver une forme d’autonomie.
Les produits et intérêts reviennent au majeur protégé
Tous les fruits et produits générés par les comptes bancaires (intérêts, plus-values, dividendes, etc.) restent la propriété exclusive du majeur protégé. Cette règle s’applique à toutes les situations, sauf lorsque la mesure est exercée par un établissement soumis aux règles de la comptabilité publique (hôpitaux, EHPAD…).
Enfin, si les revenus permettent de générer un excédent, celui-ci peut être transféré sur un autre compte épargne accessible par le majeur protégé, à condition que cette épargne soit jugée dans son intérêt.
Processus d’ouverture et de clôture d’un compte bancaire pour les majeurs protégés
Selon les situations, le curateur peut être autorisé à ouvrir ou clôturer un compte bancaire au nom du majeur protégé, mais toujours dans l’intérêt de ce dernier et sous conditions précises.
Ouverture d’un compte bancaire
1. Ouverture du premier compte bancaire obligatoire
Lorsque la personne protégée ne dispose d’aucun compte, l’ouverture d’un compte bancaire sous curatelle renforcée est considérée comme un acte d’administration (décret du 22 décembre 2008). Un acte d’administration est une gestion courante sans incidence durable sur le patrimoine. L’article 427 du Code civil impose alors au curateur de procéder à l’ouverture, sans autorisation judiciaire.
Depuis le décret du 11 mars 2022, en cas de silence de la banque sollicitée pendant 15 jours, la Banque de France peut désigner un établissement bancaire par défaut.
Voici les pièces à fournir à l’établissement bancaire :
- Une pièce d’identité du majeur protégé ;
- Un justificatif de domicile ;
- Le jugement de mise sous curatelle ;
- Le certificat de non-recours (le cas échéant), c’est un document prouvant qu’aucune contestation n’a été déposée contre le jugement de curatelel ;
- La pièce d’identité du représentant légal.
Il est recommandé de prendre rendez-vous en amont avec la banque et de justifier clairement le motif de l’ouverture.
2. Ouverture d’un compte bancaire dans une autre banque ou dans la même banque :
autorisation du juge requise
Cette opération est encadrée plus strictement car elle constitue un acte de disposition. Un acte de disposition engage de manière durable le patrimoine d’une personne, en modifiant sa composition ou sa valeur.
Deux conditions cumulatives sont nécessaires :
- Autorisation du juge des tutelles (ou du conseil de famille) ;
- Justification de l’intérêt du majeur protégé (par exemple, frais bancaires trop élevés, éloignement géographique, meilleur accompagnement).
Sans autorisation judiciaire, l’ouverture est nulle de plein droit (automatiquement invalide).
L’ouverture d’un nouveau compte ou livret, dans le même établissement bancaire, est un acte de disposition et nécessite donc l’accord préalable du juge des tutelles, sauf réforme explicite.
Clôture d’un compte bancaire
1. Clôture d’un ancien compte : très encadrée
L’article 427 du Code civil interdit au protecteur (curateur) de clôturer un compte ou livret ouvert avant la mise sous protection, sauf si deux conditions sont remplies :
- Le juge des tutelles (ou le conseil de famille) donne son autorisation ;
- Cette clôture est dans l’intérêt du majeur protégé.
⚠️ Si ces conditions ne sont pas réunies, la clôture est nulle de plein droit (article 465 du Code civil). Le juge doit motiver précisément sa décision en tenant compte de la situation du majeur.
2. Clôture d’un compte ouvert après la mesure de protection
Selon l’annexe 1 du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008, la clôture d’un compte bancaire est un acte de disposition. Dès lors, le majeur doit obtenir l’accord de son curateur.
FAQ – Compte bancaire sous curatelle renforcée
A noter, que chaque autorisation dépend du juge et du niveau d’autonomie du majeur.
La curatelle renforcée permet au curateur de prendre en charge la gestion financière quotidienne du majeur protégé. L’article 472 du Code civil fixe les règles relatives à l’usage des comptes bancaires et à la nature des transactions autorisées sous curatelle renforcée.
> Attribution d’une carte bancaire
L’une des transactions sous curatelle renforcée les plus courantes est la remise d’une carte bancaire de retrait ou de paiement au majeur protégé (sans autorisation de découvert). Cela reste possible à deux conditions :
Accord du curateur, qui fixe les modalités d’usage (plafonds de retrait ou de paiement, type de carte, etc.) ;
Autorisation du juge des tutelles, si la carte permet des opérations de paiement plus complexes ou comporte des risques.
> Délivrance d’un chéquier
La mise à disposition d’un chéquier pour un majeur sous curatelle renforcée est plus encadrée. Elle implique des risques : chèques sans provision, fichage bancaire, interdiction bancaire….
Ainsi, la délivrance d’un chéquier nécessite en principe :
L’autorisation expresse du juge des tutelles, en plus de l’accord du curateur ;
Une analyse de la situation financière et du niveau d’autonomie du majeur protégé.
💡 En pratique, les juges autorisent rarement la délivrance d’un chéquier. Sauf dans des situations très spécifiques, notamment lorsque le majeur dispose encore d’une bonne autonomie financière et mentale.
Oui. La consultation des comptes sous curatelle reste possible pour le majeur protégé, sauf décision contraire du juge. Ce droit s’inscrit dans le respect de sa dignité et de son autonomie, même lorsque la gestion de ses revenus est confiée à son curateur.
Le curateur est généralement le seul habilité à réaliser des opérations bancaires en ligne au nom du majeur protégé. Cela inclut les virements, paiements par carte, et autres opérations dématérialisées.
Toutefois, sous certaines conditions et avec l’accord explicite du curateur et du juge des tutelles, le majeur protégé peut disposer :
D’une carte bancaire à autorisation de paiement limitée, sans possibilité de découvert, pour effectuer des paiements ou retraits en ligne dans des limites fixées ;
D’un accès aux services de banque en ligne, souvent limité à la consultation ou à des paiements sous contrôle.
En règle générale, le curateur ne peut pas ouvrir un nouveau compte bancaire au nom du majeur protégé sans avoir obtenu au préalable l’autorisation du juge des tutelles. Le cas échéant, il doit avoir l’autorisation du conseil de famille. Sauf si le majeur protégée ne dispose d’aucun compte bancaire ou de livret.
Cette mesure vise à éviter des démarches qui pourraient compromettre la sécurité financière de la personne protégée.